Depuis cette saison qui malheureusement compte pour du beurre, le club de l’AS CF Schaerbeek, champion de Belgique en 2019 en N1 de l’A.B.F.S., alignait une seconde formation à l’autre bout de la hiérarchie en P5E du «Brabant Wallon/Bruxelles-Capitale». Et ce n’était pas une formation comme une autre qui dominait sa série avec un remarquable bilan de 9 sur 10. «Je fais partie de l’O.N.G. intitulée «La Balle aux Prisonniers» qui aide à la réinsertion sociale, par, notamment, la pratique du sport», explique Lionel Grassy, le responsable français de l’équipe. «On travaille beaucoup en Afrique, mais on s’est fait connaître ailleurs comme en Belgique, entre-autres dans les prisons. On organise ainsi des rencontres avec des détenus notamment à Ittre et Andenne. Thomas Chatelle et Swann Borsellino nous ont d’ailleurs suivi dans notre projet. On y fait de chouettes rencontres tout en élaborant des programmes sportifs et en échangeant pas mal.»
Mais l’année dernière, une étape supplémentaire a été franchie. «Les détenus qui avaient l’occasion de sortir m’ont demandé de leur trouver un club. L’idée est alors venue de constituer un noyau mix. Il fallait encore trouver un club qui nous héberge. Cela a été forcement très compliqué. On n’accepte forcément pas si facilement des gars qui côtoient ou qui ont côtoyé le monde carcéral. Mais l’AS CF Schaerbeek est passé au-dessus de ça. Leurs dirigeants nous ont reçus. J’avais, en fait, mes enfants à l’académie de ce club et Hazzis Iabkrima, le C.Q., a gentiment inscrit notre équipe comme la seconde de sa structure. C’est une belle preuve de confiance.» Et l’histoire a donc débuté dans le championnat de P5E. «Certains portent encore des bracelets électroniques qu’il faut débloquer le temps des rencontres. Certains en ont pour dix ans de peine et parfois plus. Mais d’autres sont presque prêts à être remis en liberté et à se réinsérer dans la vie de tous les jours. Et tout se passe dans le meilleur des mondes.»
INTERACTION AVEC LA D1
Et le club schaerbeekois s’investit également. «Malgré le fossé entre les divisions de nos deux équipes, il y a une interaction évidente avec la D1. Il arrive que son coach, Abdelilah Benaïm vienne nous distiller l’une ou l’autre séance. «Timou» (NDLR: Hamid Bouyfoulkitne, joueur de la D1) a déjà porté aussi notre maillot. Notre gardien congolais, Christian Ludunge Safari s’entraîne même avec les portiers de la D1. Notre noyau comporte 13 ou 14 joueurs, dont cinq détenus sont désormais sortis de prisons. On commence a avoir une petite réputation. Même des gars de Liège ou Charleroi aimeraient nous rejoindre.»
Sportivement parlant, l’équipe était en route vers la P4. «Le temps de s’adapter et de régler les soucis logistiques, on a débuté par un nul pour notre première rencontre officielle avant d’enchaîner par quatre succès à l’extérieur. Nous étions, du coup, leader. Avec cette saison qui tombe finalement à l’eau, on perd clairement un an puisque nous visions forcément la P4. Je pense même que nous avons le niveau de la P2. Mais nous repartirons, en 2021-2022, avec les mêmes intentions de monter, tout en continuant d’axer notre démarche vers la réinsertion.»
NICOLAS TOUSSAINT